Le travail salarié, ses origines

Le texte qui suit est une citation extraite de:
François Barret, chargé de conférences à la Faculté de Droit de Paris, Histoire du travail, Presses Universitaires de France, 1948

L'origine de l'esclavage est mal connue. Les sociologues admettent qu'au début de l'existence de l'humanité, l'homme errait par petits groupes sur terre. Lorsque éclatait une guerre entre peuplades ennemies, les vainqueurs exterminaient les vaincus et se nourissaient de leurs corps.
L'on a supposé qu'un jour de bataille, ayant fait des prisonniers en trop grand nombre, les vainqueurs ne purent les manger tous à la fois. Ils en conservèrent de vivants pour les tuer plus tard. Ils eurent, semble-t-il, l'idée de les occuper à divers travaux. Ils observèrent probablement qu'ils avaient tiré de ce travail un certain avantage et comprirent qu'ils avaient plus d'intérêt à "faire travailler" les vaincus qu'à se repaître de leur chair. L'esclavage était né. Il se répand rapidement dans toutes les sociétés antiques. Les esclaves ont à peu près le monopole du travail dans les mines, à la réparation des routes et à la fabrication des monaies. Les services domestiques sont entièrement assurés par eux.

Un artisan qui avait besoin de main-d'oeuvre louait des esclaves. On louait aux particuliers des esclaves cuisiniers, des valets de pied, des suivantes, et jusqu'à des matelassiers. Le contrat de location portait, tantôt sur des esclaves isolés, tantôt sur des esclaves attachés à un atelier, et dans ce cas, louait avec eux l'atelier lui-même. Tout le profit était pour le maître, l'esclave ne recevait rien sur son gain (1). Certains marchands n'achetaient des esclaves que pour les louer à autrui (2). A Athènes, l'un des ateliers dont nous entretiennent les textes anciens compte 120 esclaves métallurgistes, un autre 20 esclaves ébénistes et 33 esclaves armuriers (3). C'était les esclaves qui travaillaient le fer, fabriquaient les passementeries et les instruments de musique, qui tannaient le cuir et préparaient les drogues et les parfums.
[...]

Mais la production de l'esclave est peu soignée, il fallait en surveiller sans cesse l'exécution. C'est pourquoi l'esclave ne répondit bientôt plus aux besoins créés par l'extension du commerce méditérranéen. Celui-ci exigeait, pour l'échange, des produits finement travaillés, des produits de qualité. Et cette nécessité va transformer la condition de l'esclave. Une main d'oeuvre qualifiée, éduquée, formée (4) après un très minutieux apprentissage est désormais nécessaire. Et nous assistons à toute une gamme de transitions par lesquelles l'on s'évade peu à peu de l'esclavage antique.

Pour stimuler le travail on ne se contente plus d'entretenir les esclaves, on adopte un système de paiement (5) en argent qui leur permet de faire des économies et de se constituer un petit pécule (6). On voit surgir le type de l'esclave loué dont personne, sauf le patron et le loueur, ne connaît la condition sociale, et qui, payé aux pièces, loge où il veut et mange où il lui plaît (7). En même temps se développe une riche législation du travail (8) qui évalue les salaires, garanti les ouvriers vis-à-vis des employeurs, fixe les repos et les jours de congé concédés à la main d'oeuvre, et édicte les pénalités diverses en cas de négligence, de mauvaise volonté et d'indiscipline.

Notes de lecture:
(1) On y revient peu à peu... la Commission européenne, a calculé, dans un rapport de 2007, que la part des salaires dans l'ensemble de l'économie française est passée de 66,5 % en 1982 à 57,2 % en 2006, soit une baisse de 9,3 points de la richesse totale du pays
(2) Nos officines de travail temporaire
(3) L'usine... déjà !
(4) La formation en vue de la production
(5) Naissance du salariat
(6) Naissance des caisses d'épargne
(7) Le taylorisme et l'usine du XXe siècle
(8) Notre code du travail


File: travail2.html, Last update : 2010-07-26