Connexions

Que peuvent avoir en commun la promenade du chien, l'actrium minus, le velcro et les trois princes de Serendip ?

Nous lisons dans Physics World, January 1995 (1):

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Velcro is not a spin-off of NASA. NASA only made Velcro know to those who hadn't known abhout it before (when it was not called Velcro). It was invented by a Swiss chemist, Georges de Mestral, who lived in the village of Commugny near Geneva where he died in 1990. I was lucky enough to learn from Georges de Mestral how he discovered it. He got the idea from nature: after a walk with his dog, he often had to pull off the burdocks that the dog had collected in the hairs of its coat. When he learned shortly after the war that Dupont de Nemours had developped a synthetic fibre which, if bent at elevated temperature, would keep its form once cooled down, he thought again about the burdocks. He produced a sample of it (Nylon) before it was commercialy available - and we all know the result.

-- Reinhard Budde, Begnins, Switzerland


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Le Velcro n'est pas, comme certains le pensent, un rejeton de la NASA. En fait il fut inventé par un chimiste suisse, Georges de Mestral (décédé en 1990) qui vivait dans le village de Commugny, près de Genève. L'idée lui fut inspirée par la nature. Après avoir promené son chien, il devait souvent, au retour, retirer les fleurs de bardane (arctium minus) qui étaient restées accrochées dans ses poils (du chien). Quand il apprit, peu de temps après la guerre, que Dupont de Nemours avait développé une fibre synthétique, laquelle si on la courbait à chaud, gardait ensuite cette forme une fois refroidie, il pensa aussitôt à en faire des crochets analogues à ceux des fleurs de bardane. Le Velcro (VELours à CROchets) était né.

Traduc. rleb, mars 2009


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(1) Pourquoi citer un texte en anglais direz-vous... et vous aurez bien raison de le dire. Dans l'antiquité on citait des textes latins, puis le français eut son heure de gloire, de nos jours c'est l'anglais qui est à la mode. De nombreuses publications de qualité sont faites dans cette langue considérée autrefois par les empereurs romains comme une langue de barbares, mais il est vrai qu'elle a subi depuis quelques réformes.

Les trois princes de Serendip

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Les trois Princes de Serendip est un conte persan du 16e siècle, publié en 1557 par le Vénitien Michele Tramezzino et dans lequel trois princes de Serendip (ancien nom perse du Sri-Lanka) furent particulièrement chanceux dans leurs aventures et surent tirer un parti avantageux de toutes les situations dans lesquelles ils se trouvèrent et des évènements fortuits qui leur advinrent. Deux siècles plus tard, en 1754, un homme polique et écrivain anglais nommé Horace Walpole (1717 - 1797) qui avait lu l'histoire dans sa jeunesse, crée le mot serendipity à l'occasion d'une lettre à un collègue. Ce mot capable de remplacer toute une phrase était si bien adapté qu'il entra dans le vocabulaire... et y resta jusqu'à nos jours. IL est maintenant utilisé tel quel dans la plupart des langues dont la graphie fait appel aux caractères latins. Seule change parfois la voyelle finale pour s'adapter aux coutumes grammaticales locales. On l'utilise pour qualifier principalement les contextes suivants :


  • trouver quelque chose alors qu'on ne cherchait rien (cas de l'invention du Velcro)
  • trouver une façon imprévue de réaliser ce qu'on cherchait à faire
  • trouver quelque chose pouvant avoir un autre usage que celui auquel on avait pensé

Ainsi le mot serendipity évoque non seulement les circonstances fortuites mais aussi l'éveil d'esprit de l'inventeur, lequel pensera immédiatement à en tirer parti.

L'histoire des inventions est jalonnée de ces expériences produisant des résultats surprenants, ou de ces erreurs de manipulation qui conduisent un peu par hasard à des résultats prometteurs. Ce fut le cas pour le velcro, mais il y eut beaucoup d'autres inventions survenues par serendipity.

Quelques inventions serendipit(euses)

  • C'est en prenant son bain qu'Archimède invente la méthode de mesure des masses volumiques par immersion. Cela lui permit de satisfaire la demande d'expertise du roi Hiéro II, tyran de Syracuse, concernant la teneur en or de la couronne royale.

  • «Je tournai ma chaise vers le feu et tombai dans un demi-sommeil. De nouveau les atomes s'agitèrent devant mes yeux. [...] de longues chaînes, souvent associées de façon plus serrée, étaient toutes en mouvement, s'entrelaçant et se tortillant comme des serpents. Mais attention ! Qu'était-ce que cela ? Un des serpents avait saisi sa propre queue et cette forme tournoyait de façon moqueuse devant mes yeux. Je m'éveillai en un éclair [...]»
    Et voilà ! Ceci se passait vers 1865, à une époque où les chimistes peinaient durement pour essayer de comprendre l'organisation des atomes dans les molécules. Her Friedrich August Kekulé venait d'entrevoir en somnolant la structure cyclique de la molécule de benzène. De cette structure en anneau, comme un serpent (1) qui se mord la queue, découlent la plupart des propriétés si particulières de cet hydrocarbure.

  • Charles Thomson Rees Wilson (1869, Glencorse, Écosse - 1959, Carlops, Écosse), physicien écossais, dès la fin de ses études, se passionne pour la météorologie, et notamment pour la formation des nuages qu'il commence à étudier vers 1893. Il cherche ensuite à recréer des nuages à petite échelle dans une enceinte confinée, dans le laboratoire de Cambridge, en y mettant en dépression de l'air humide. Il cherche en particulier à reproduire le phénomène appelé glory (en français gloire ou auréole) qui se produit lorqu'on observe un nuage devant soi avec le soleil dans le dos. Cette expérience sera un échec.
    Cependant, comprenant que d'autres phénomènes que température et pression interviennent dans la formation des nuages, il entreprend, vers 1895, des recherches sur les noyaux de condensation, les ions, l'électricité atmosphérique, les orages, les rayons X et gamma ainsi que les rayons cosmiques. En voulant reproduire la formation des nuages, il découvre que dans certaines conditions, un brouillard peut rendre visible la trajectoire certaines particules et rayonnements. Il imagine alors de transformer son enceinte en détecteur de particules.
    En 1912 il présente la chambre à brouillard qu'il a mise au point et pour laquelle il reçoit le prix Nobel de physique de 1927. Cette chambre à brouillard (dite aussi chambre de Wilson) restera l'instrument principal de détection des particules et rayonnements ionisants jusqu'à l'invention de la chambre à fils puis de la chambre à bulles.

  • Sir Alexander Flemming conduisait des recherches sur un lignée de staphilocoques. Il oublia un weekend une culture exposée à l'air. Le lundi il s'y était développé une moisissure qui avait tué les staphilocoques. La péniciline était née.

  • En 1945 Percy Lebaron Spencer, fabriquait des magnétrons pour les premiers radars. Un jour où il se trouvait à proximité d'un magnétron en fonctionnement, il retrouva fondue une barre de chocolat qu'il avait dans sa poche. Ce fut l'origine du four à micro-ondes.

  • En 1970, Spencer Silver cherchait réaliser pour la compagtnie 3M un adhésif puissant. Il ne parvint qu'à obtenir un colle médiocre. Quatre ans plus tard, Arthur Fry, un des collègues à 3M et membre d'une chorale se désolait que les marque-pages de son livre de cantiques chutaient chaque fois qu'il l'ouvrait. Il se souvint alors des travaux et des résultats de Spencer. L'adhésif repositionnable (post-it) venait d'être inventé.

  • En 1942, Harry Coover essayait de produire des plastiques transparents pour faire des viseurs pour les armes à main. Il fut ainsi amené à des cyanoacrylates mais ce fut décevant car, exposés à l'humidité de l'air ils se polymérisaient et soudaient littéralement des pièces entre-elles. Six ans plus tard, manipulant à nouveau les cyanoacrylates il se rendit compte qu'ils constituaient un adhésif presque idéal ne nécessitant ni chaleur ni pression pour durcir. Ce fut l'origine des colles dites superglue.

Ce ne sont là que quelques exemples mais on pourrait en citer beaucoup d"autres : le LSD, le pacemaker, les cônes à glaces, le champagne, ...

(1) On ne peut manquer de remarquer qu'après la pomme de Newton, le serpent de Kekulé nous ramène directement au jardin d'Eden.

-- rleb, mars 2009 et janvier 2012

Pour en savoir plus...

De la serendipité
, Pek Van Ankel & Danièle Bourcier
L'ACT MEM, 73 Carré Curial, 73 Chambéry, France, 2009

    
File: connexions.html - Robert L.E. Billon, 2009-04-02 - Last update: 2014-07-06