Famille, Propriété, Etat

FAMILLE n.f. Association de personnes issues du même sang, et vivant ensemble sous le même toit  L'homme, mari et père, est le chef de la FAMILLE.// Progéniture, enfants du même père ou de la même mère  Etre chargé de FAMILLE.// Par ext. Ensemble des parents à un degré quelconque.
[...]
ENCYCL. Hist. Fondement nécessaire de la société, la famille est encore le premier besoin de l'homme  elle donne un but à son activité et un aliment à ses affections; elle fait à la fois, sa force, son honneur, sa joie.
Deux éléments essentiels toujours reconnus par les législations, mais diversement compris, la constituent : d'une part, l'union de l'homme et de la femme; de l'autre, l'autorité des parents sur les enfants, surtout le pouvoir paternel.
En ce qui concerne les époux, l'union d'un seul homme avec une seule femme, ou monogamie, type idéal du mariage, est pratiquée dès l'origine de l'humanité [...]

-- Nouveau Larousse illustré, 1898

Définie en termes d'Entreprise, la famille, institution sous contrôle, est une petite unité produisant, par un moyen artisanal, (on n'en connait pas d'autre pour le moment), non pas des enfants, mais un certain modèle d'humain, propre à assurer, comme exploité en général, comme exploiteur pour quelques exemplaires sélectionnés, la continuité et l'expansion de l'Affaire.
La fonction des parents en termes d'Entreprise, est d'élaborer à partir du matériau brut enfant, le modèle domestiqué, conforme à la demande.
Et statistiquement, ils le font. La preuve : l'Entreprise continue de marcher. S'ils n'exécutaient pas la commande sociale, le truc se casserait la gueule aussi sec. En une génération. [...]
Si on leur disait qu'ils sont des outils inconscients qui exécutent une commande sociale, ce serait un massacre. Papa, sais-tu pour le compte de qui tu t'efforces de faire de moi un mouton ? Maman, sais-tu pour le compte de qui tu t'échines à faire de moi la victime que tu as été toi-même ? [...]
Comment pourraient-ils ouvrir les yeux sur une réalité qui frapperait de nullité leur vie entière et leurs oeuvres, et annéantirait l'illusion qu'ils ont d'être des personnes ?

-- Christiane Rochefort, Les Enfants d'abord, Ed. Grasset, 1976

[...] La famille s'est repliée sur elle-même. Le couple romantique et "éternel" a été inventé, ainsi que le couloir dans les maisons, permettant à chacun de s'isoler dans son égoïsme. Naquit la famille moderne murée sur elle-même, épargnante et calculatrice, avare d'argent et de reproduction, avec des femmes soudain dépositaires de "l'instinct maternel" parce qu'elles ne se désintéressent plus des enfants; cette famille calculatrice a accompagné le capitalisme et son calcul froid et rationnel.

-- Bernard Maris, Toulouse 1946, économiste, écrivain et journaliste, Espérance et désespérance de vie, dans Charlie Hebdo, 17 février 2010

famille.png

Vous vous demandez comment on en est arrivé là. Comment la famille est devenue cellulaire, ou bien éclatée. Comment la bêtise télévisée a remplacé la transmission de la sagesse et de l'expérience parentale. Pourquoi les enfants en sont réduits à brûler la voiture de leur voisin pour se rappeler à l'attention de cette société qui les ignore.

Friedrich Engels a parfaitement décrit dans son ouvrage L'origine de la famille, de la propriété privée et de l'Etat, les diverses étapes qui ont conduit de la gens de l'antiquité à la famille cellulaire (pour ne pas dire carcérale) d'aujourd'hui et à l'asservissement de la femme. Point n'est besoin d'être marxiste pour lire ce document, un grand classique et un véritable monument d'érudition.

-- rleb, 2006


L'origine de la famille, de la propriété privée et de l'État se trouve ici :

www.marxists.org/francais/engels

La famille est la cellule originelle de l'État en France

La famille a une histoire. Elle est une construction politique, sociale et morale. Rémi Lenoir (*) en a retracé la généalogie pour en comprendre le fondement. La famille dans sa forme moderne, naît autour du XIIe siècle, au moment où la noblesse guerrière devient une noblesse de terre. Il s'agissait alors de réguler la transmission des biens afin de maintenir l'indivision du patrimoine immobilier. La famille devint alors le moyen de cette transmission. Les règles du mariage, de la virginité de l'épouse, de l'ordre des naissances avaient pour fonction de réguler une transmission d'un droit de propriété contrôlée par la famille. C'est autour de cette cellule familiale puis dynastique que l'État s'est crystallisé pour, peu à peu, s'instituer comme principe organisateur de la société toute entière. La main-mise de l'Église sur la famille est ensuite venue fonder moralement cette organisation sociale, dans un but politique et économique, bien sûr.

La famille a donc été la matrice de l'État en France. Celui-ci s'est développé en un État patriarcal où les fonctions, les privilèges, les terres, une fois octroyés, se transmettaient comme un patrimoine. Un système qui a perduré jusqu'au XIXe siècle. La révolution des modes de production et celle de l'ordre social, comme, par exemple, l'émergence d'un prolétariat organisé susceptible de menacer la paix sociale, nécessitèrent de procéder à une nouvelle rationalisation des modes de transmission. On a alors réinventé une famille refondée par l'État. Par la loi, par la mise en place des structures administratives, fiscales et sociales de l'État contemporain, l'État a pris le contrôle de la régulation de la vie sexuelle, de la natalité, de l'éducation.

-- M.D., Charlie Hebdo, mercredi 21 avril 2004

(*) Rémi Lenoir, sociologue né en 1943, professeur de sociologie à l'Université Paris 1 et directeur du Centre de sociologie européenne, auteur de Généalogie de la morale familiale, Ed. Seuil, Collection Liber, Paris 2003, ainsi que de nombreux articles

La monogamie : un ajout culturel

Si l'on en croit l'étude ci-après...

Scientists studying the genes of disparate populations have shown that monogamy was not the norm in generations past.

Researchers report genetic evidence bolstering the socially contentious idea that polygyny—the mating practice where some males dominate reproduction by fathering children with several women—was the norm for sexual behavior throughout human history and prehistory. Because polygyny means other men father few or no children, the study, published today in PLoS Genetics, also shows that, on average, women bequeath more genes to their offspring than men do. 

The proportion of female to male genes passed on is not yet known. "Our follow-up work is to get a better estimate, but we believe it's at least two to one, if not more," says senior study author Michael Hammer, a geneticist at the University of Arizona in Tucson.

"This is good science, and even more notable is the increasing light it sheds on our own human nature," says David Barash, evolutionary psychologist, University of Washington in Seattle.

The study, which examined genetic material (DNA) from six geographically diverse populations—Biaka from Central African Republic, Mandenka from Senegal, San from Namibia, French Basque, Han Chinese and Melanesians from Papua New Guinea—provides independent corroboration of what many animal studies have shown and evolutionary biologists have long claimed: basic human biology is polygynous, Barash notes. "Monogamy is a recently inspired cultural add-on."

Researchers examined DNA areas devoid of genes in each of 90 people, including 20 regions on the X chromosomes (present in both male and female mammals) and 20 on the autosomes (the other 22 chromosomes, which are not involved in sex determination). If an equal number of males and females breed successfully, genetic variation in the two kinds of chromosomes should be about equal. Instead, the researchers found much more variation on the X than on autosomes.

The paper explored explanations for this X genetic diversity, concluding that polygyny was the most likely.

The notion that monogamy is not "natural" for humans has been controversial because some fear it may provide a biological justification for promiscuity. "But it's a fallacious idea that we can infer from what is the case something about how we ought to act," says Erik Parens, senior research scholar at The Hastings Center bioethics think tank based in Garrison, N.Y. "I don't see why we should accept the premise that we can read off of how our forebears acted…[the way]…we ought to act now."

Source de ce document

Les savants qui étudient les gènes de populations diverses ont montré que la monogamie ne fut pas la norme dans les générations passées.

Les chercheurs apportent l'évidence génétique renforçant l'idée socialement contestée que la polygynie—la pratique d'accouplement où quelques mâles dominent la reproduction en engendrant des enfants avec plusieurs femmes—fut la norme à travers l'histoire et la préhistoire de l'humanité. Par ce que la polygynie signifie que les autres hommes engendrent peu ou pas d'enfants, l'étude, publiée aujourd'hui dans PLoS Genetics, montre aussi que, en moyenne, les femmes lèguent plus de gènes à leurs rejetons que ne le font les hommes.

La proportion de gènes femelle pa rapport aux gènes mâle n'est pas encore connue. "Notre travail à venir tendra à obtenir une meilleure estimation, mais nous croyons qu'il est au moins de deux à un, sinon plus", dit l'auteur confirmé de l'étude Michael Hammer, un généticien de l'Université de l'Arizona à Tucson.

"Ceci est de la bonne science, et même plus ramarquable est l'éclairage croissant qu'elle jette sur notre propre nature humaine," dit David Barash, un psychologue de l'évolution, Université de Washington à Seattle.

L'étude, laquelle examina du matériel génétique (DNA) de six, géographiquement diverses, populations—Biaka de République Centrafricaine, Mandenka du Sénégal, San de Namibie, Basque de France, Han chinois et Mélanésien de Papouasie Nouvelle Guinée—procure une corroboration indépendante de ce que beaucoup d'études animales ont montré et les biologistes de l'évolution ont depuis longtemps revendiqué : la biologie humaine de base est polygynique, Barash note. "La monogamie est un ajout récent d'inspiration culturelle."

Les chercheurs ont examiné des zones de DNA dépourvues de gènes chez chacune des 90 personnes, incluant 20 régions sur les chromosomes X présents à la fois chez le mâle et la femelle des mamifères et 20 sur les autosomes (les autres 22 chromosomes, lesquels ne sont pas impliqués dans la détermination du sexe). Si un nombre égal de mâles et de femelles procrée avec succès, la variation génétique des deux sortes de chromosomes doit être approximativement égale. Au lieu de cela, les chercheurs ont trouvé une beaucoup plus grande variation sur le X que sur les autosomes.

La publication explora les explications possibles de cette diversité génétique X, concluant que la polygynie était la plus probable.

La notion que la monogamie n'est pas "naturelle" chez les humains a été controversée de crainte qu'elle ne procure une justification biologique à la promiscuité. "Mais c'est une idée fallacieuse de penser que nous pouvons déduire de ce qui fut, comment nous devons agir," dit Erik Parens, chercheur érudit confirmé a The Hastings Center bioethics think tank (groupe de réflexion) basé à Garrison, N.Y. "Je ne vois pas pourquoi nous devrions accepter le principe que nous pouvons tirer du comportement de nos ancêtres…la façon… dont nous devons agir de nos jours."

-- Traduction *rleb* , janvier 2009

Un exemple de société à monogamie séquentielle

They grow no food, raise no livestock, and live without rules or calendars. They are living a hunter-gatherer existence that is little changed from 10,000 years ago. What do they know that we've forgotten?

The Hadza do not engage in warfare. They've never lived densely enough to be seriously threatened by any infectious outbreak. They have no known history of famine; rather, rhere is evidence of people from a farming group to live with them during a time of crop failure.[...] Traditional Hadza, like Onwas and his camp mates, live almost entirely free of possessions. The things they own - a cooking pot, a water container, an ax - can be wrapped in a blanket carried over a shoulder. Hadza women gather berries and baobab fruit and dig edible tubers. Men collect honey and hunt.

[...] There are no wedding ceremonies. A couple that sleep at the same fire for a while may eventually refer to themselves as married. Most of the Hadza I met, men and women alike, were serial monogamists, changing spouses every few years. [...] There was a bevy of children in the camp [...] Except for the breastfeeding infants, it was hard to determine which kids belonged to which parents.

-- The Hadza, by Michael Finkel, in National Geographic, December 2009, p.94

nationalgeographic

Ils ne cultivent pas, n'élèvent pas de bétail et vivent sans lois ni calendrier. Il mènent une existence de chasseurs-cueilleurs qui a peu changé depuis 10 000 ans. Que connaissent-ils que nous avons oublié ?

Les Hadza (*) ne font pas la guerre. Il n'ont jamais vécu en une densité suffisante pour être menacés par des épidémies. Ils n'ont pas connu de famines ; il existe même l'évidence que des groupes agriculteurs sont venus vivre parmi eux durant des périodes de mauvaises récoltes. [...] Les Hadza traditionnels, comme Onwas et ses compagnons, vivent presque entièrement sans possessions. Leurs biens — une marmite, un pot à eau, une hache — peuvent être enveloppés dans une couverture et transportés à l'épaule. Les femmes Hadza cueillent des baies, des fruits de baobab et des tubercules comestibles. Les hommes récoltent du miel et chassent.

[...] Il n'ya pas de cérémonies de mariage. Un couple qui dort près du même feu pour quelque temps peut finalement se considérer comme marié. La plupart des Hadza que j'ai rencontrés, hommes comme femmes, sont des monogames successifs, changeant de conjoint au bout de quelques années. [...] Il y avait toute une bande d'enfants dans le camp [...] Excepté pour les enfants en phase d'allaitement, il était difficile de déterminer quels enfants appartenaient à quels parents.

(*) Les dernières populations de chasseurs-cueilleurs Hadza vivent dans les environs du lac Eyasi en Tanzanie.

-- Traduction *rleb* , février 2010


    

File : famille.html - Robert Billon, 2006-02-23 - Last update: 2010-10-30