Contrepèterie n.f. (de l'anc. fr. contrepéter, imiter par dérision). Inversion plaisante de lettres ou de syllabes dans un groupe de mots. (Ex : trompez sonnettes pour sonnez trompettes).
cf Le Petit Larousse illustré
En anglais : spoonerism, en mémoire du professeur Spooner qui se rendit célèbre par ses lapsus linguae.
La contrepèterie, souvent abrégée contrepet, peut être considérée comme un cache-texte.
Elle constitue le passe-temps favori des obsédés textuels.
On dit aussi que c'est l'art de décaler les sons.
- citations -
Le contrepet est le masque décent d'une phrase gaillarde.
Le contrepet ne doit jamais être traduit. Il est drôle en
ce qu'il recèle, derrière le masque de bienséance, une
phrase triviale à l'état virtuel. Aussi longtemps que
celle-ci demeure inexprimée, elle provoque une intense
jubilation chez les initiés. Traduite, elle n'est plus
qu'une phrase grossière parmi d'autres.
-- Claude Gagnière, Tout sur tout, ISBN 2-7242-2229-6
Qui unit l'herboriste séchant les pétales et le porc qui détruit la flore ? C'est la dévote folle de la messe de Rabelais, dont ils sont tous deux héritiers... Magie de la contrepèterie : permuter les lettres révèle un sens caché fort éloigné du propos initial et déclenche une explosion d'allégresse chez ceux qui ouïssent en cogitant.
-- Joël Martin, La Contrepèterie, PUF 2009, ISBN: 978-2-13-057525-2
Le contrepet fut très en vogue à l'époque de l'inquisition où les sbires du pape brûlaient non seulement les livres mais aussi leurs auteurs. L'écrit restait irréprochable, le signifié pouvant être beaucoup plus audacieux François Rabelais fut un maître en la matière. Il constitue un des joyaux du langage et on ne saurait rester indifférent devant tant de pierres fines.
Enfin, il est présent partout, y compris dans les bibles à caté. Exemple : Exode... Deutéronome... Apocalypse...
(Cité par Joël Martin, La Contrepèterie)
La terre promise... Le passage de la Mer Rouge
Tu ne reculeras pas les bornes de ton prochain
Je vis monter... une bête qui avait dix cornes
Ce qui suit n'est pas une simple fiction de mon cru et j'espère que, navigant parmi ces vers peu lus, le tout ne vous paraîtra pas trop confus.
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Chauvinisme
Aux sites de Bologne, je préfère les mines de Pompéi.
-- Luc Etienne, "L'art du contrepet"
Botanique
L'Etudiante observe un plant qui vient de la Guinée.
-- Luc Etienne, "L'art du contrepet"
Sur le chantier
Le cantonier s'est pris le veston dans son rouleau.
-- Jacques Antel, "Le tout de mon cru"
Sur le marché
La maraîchère me propose en gros, ses cornichons.
-- Jacques Antel, "Le tout de mon cru"
Dans les régions viticoles
Les pins ont une odeur de résine, mais le jardinier
a placé une belle serre entre les pins.
-- La Comtesse...
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A propos de tricot
C'est des pulls de quoi ?
-- dans l'Album de la Comtesse
Chagrin
Sans eau sur le globe
-- La Comtesse...
Météo
Le vent siffle dans la rue du quai
et les stratus sentent la neige.
Quand il gèle je met une rouste à mes mouflons.
-- La Comtesse...
Recherche fondamentale
Au CERN, les chercheurs ont vu en testant
qu'ils n'épongeaient pas les particules.
-- Relevé dans La contrepèterie, de Joël Martin, PUF
Automobile
Après deux heures de pilotage
la fille du garagiste répare les pneus.
-- Relevé dans La contrepèterie, de Joël Martin, PUF
Chez le pharmacien
Pilules qui soulagent la gêne.
-- ?
Accident
Ma belle-mère s'est tordu l'humérus.
-- ?
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Le contrepet peut aussi contribuer à mettre un peu de sel dans un texte qui, sans sa présence, serait particulièrement fade.
LE ....®
Le 20ème siècle fut marqué par un certain nombre d'inventions majeures, parmi lesquelles, la pénicilline et le .... ® de super-marché. Je me garde bien de citer ici le mot sous lequel on le désigne couramment car, lorsqu'il est utilisé pour désigner le chariot de super-marché, ce mot est déposé et propriété de la Société des Ateliers Réunis. Il en a coûté 50000 francs en 1997 au journal Libération pour avoir oublié ce point de détail. C'est un peu comme quand on dit, quelquefois et à tort, ..........® en lieu et place de appareil frigorifique. Je me contenterai donc de l'appeler tout simplement chariot de super-marché.
L'historique de cette invention géniale, sans laquelle nous ne saurions plus procéder à l'achat du moindre article, a son origine en 1937 dans l'Oklahoma. Très en avance sur son époque, un nommé Sylvan Goldmann assurait direction et gestion dans un libre service, le Humpty-Dumpty, à Oklahoma City. Comme son nom semble l'indiquer, ce man là se faisait probablement des nouilles encore et palpait un horrifique bénéfice. Il ne manquait pas de perspicacité et avait remarqué qu'au fur et à mesure que ses clients entassaient leurs achats dans leur panier ou plutôt leur sac ou cabas à provisions comme on disait encore
au siècle dernier, celui-ci devenait lourd (comme un poids ferreux) et les clients, victimes du syndrome du canal carpien, cessaient alors d'ajouter des articles. Après une nuit de cogitations au lit une solution était en vue. Il ferait dorénavant accompagner chaque client par un employé dont la mission serait, si l'on peut s'exprimer ainsi, de mettre la main au panier de la ménagàre et de porter ses emplettes. Il y affecta d'abord son employée de maison en précisant "Ne vous souillez plus les mains, cette bonne s'occupe aussi des courses".
Sitôt dit, sitôt fait. Cette formule avait aussi l'avantage de générer de l'emploi mais finalement elle s'avéra économiquement peu rentable. Le coût des employés supplémentaires mangeait le gain réalisé sur les
ventes. Et comme c'était maintenant les employés qui souffraient du canal carpien, il se mettaient en arrêt maladie. On sait combien il est difficile de mettre un gendarme derrière chaque citoyen, il l'est tout autant de mettre un porteur derrière chaque client. D'autant que celui-ci gardait la notion du bout des courses.
Notre brave Goldmann, décidément un homme en or, n'en resta pas là, fin observateur qu'il était, il aperçu un jour un panier posé sur une chaise. Ce fut l'illumination, il suffisait de doter la chaise de roues, un peu comme des patins avec de belles roulettes. (J'ai omis de dire jusque là que Monsieur Goldmann, originaire d'Europe, était probablement
un latin). Le succès fut immédiat et rapidement les ventes doublèrent de volume. Le client y gagnait en autonomie et pouvait maintenant piloter son cabas parmi les badauds, y mettre des piles de boîtes, une escalope avec une salade, ou bien y empiler des culottes et des bijoux fantaisie (les colliers ça fait toujours chic). Tout cela avec un maximum de confort, sans risquer luxation ou fêlure, et il ne quittait plus le magasin sans avoir empli son sac à ras bord. (Tant pis si la poire a un petit goût de terrine).
C'était devenu tellement facile qu'il pouvait aller faire ses courses, parmi la profusion de bons et de cadeaux, même en ayant un canard sur le feu. Le .....® était né et un atelier de fabrication fut créé pour le produire en série.
En Europe, avec notre décalage habituel d'une guerre, l'idée fut reprise en 1947 par un allemand, Rudolf Wanzl. Il était fils d'un marchand de poids (...et mesures ?), balances et outillage agricole. Il créa avec son père et un apprenti, le premier atelier de fabrication de .....®. Sans se laisser impressionner par les amas de patentes, il est devenu leader mondial dans sa spécialité. En voilà une idée qui en a fait du chemin... entre les rayons des super-marchés. C'est ainsi qu'est né le rituel : chariot, auto, frigo, dodo.
Pourtant il reste encore un petit pas à franchir, et qui le sera
probablement très bientôt. En effet la jouissance du consommateur ne sera complète que lorsqu'il y aura dans les allées des super-marchés, des sens uniques, limitations de vitesse et priorités. Et que des vigiles aux mines piteuses, montant une garde insolente, pourront fouiller aux caisses, (fouilles curieuses),verbaliser et inciter à la délation sans fard, surtout s'il y a feu aux caisses. Quant aux contrôles arbitraires et anonymes, les caméras sont déjà en place. Mais les chiens y restent interdits, même si leur maître a dressé sa bête à lire.
On voit que, inéluctablement, l'espèce humaine, tout comme les fourmis ou les termites, reproduit toujours les mêmes schémas d'organisation.
-- rleb, Déc 2004
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