Le costume de bain a subi au cours des époques successives de l'humanité, bien des vicissitudes. Il a connu des hauts et des bas, voire les deux simultanément. Les peuplades qui habitaient le Nord du Niger, il y a 10 000 ans, nous en ont laissé des représentations rupestres. Mais, direz-vous, et vous aurez bien raison de le dire, où est la mer ? Je ne vois que sable et rochers ! C'est une des conséquences des changements climatiques. Les géologues, les anthropologues, les météorologues et les climatologues réunis vous diront, tous en choeur, que l'eau s'est retirée dans les nappes phréatiques, provoquant la remontée en surface du sable de la mer et donnant naissance au Sahara là où avaient été mers calmes, lacs poissonneux, sources limpides et rivières sinueuses.

Note : On remarquera que, la plaque photographique n'ayant pas encore été inventée, on étalait la gélatine bichromatée directement sur la pierre. Les documents obtenus par ce procédé on subsisté jusqu'à nos jours. Il s'agissait d'un média beaucoup plus durable que les bandes magnétiques et autres mini-disques qui sont utilisés aujourd'hui. Nous vivons une époque qui laissera peu de traces dans l'histoire de l'humanité par défaut d'archives durables. Les archéologues du futur devront se contenter de fouiller les monceaux de déchets que nous leur aurons laissé.

Le célèbre peintre Rubens, Pierre Paul (Siegen, Allemagne 1577 - Anvers, Belgique 1640) nous a laissé une oeuvre remarquable, visible au Museo del Prado à Madrid, d'après laquelle le costume de bain semble réduit à sa plus simple expression. En fait il ne s'agit pas de son époque car il a représenté Aglaé, Talia et Eufrosina, stars de la mythologie grecque. Il n'a donc pas été un témoin occulaire direct et a forcément travaillé d'après les écrits, légendes et traditions.

On peut cependant estimer que ce document figure les pratiques ayant cours aux environs du V^ème siècle avant l'ère commune. Les personnes représentées paraissant bien nourries, il n'est pas forcément représentatif de la moyenne de la population.

Note : Les crèmes solaires n'étant pas encore inventées, on se baignait de préférence dans les grottes afin de soustraire l'épiderme au rayonnement solaire.

Début XX^ème siècle, la bain rituel consistait essentiellement en l'humectation transitoire des doigts de pied, voire même parfois, des chevilles. Ainsi le costume de bain de cette époque couvrait la plus grande partie du corps, le protégeant des dangereux rayons UV que nous envoie le soleil ainsi que des embruns marins. La peau restait jeune et souple. Les dermatologues et les laboratoires pharmaceutiques ne firent pas fortune. Par contre, des carences en vitamine D étant à craindre, on les prévenait par l'usage intensif d'huile de foie de morue.

A cette époque les incitations à la modération ne manquaient pas. Ainsi, Guy Bechtel et Jean-Claude Carrière ont relevé dans l'Echo paroissial de Brest du 16 Mai 1926, les recommandations suivantes et les citent dans leur célèbre Dictionnaire de la Bêtise. "Pour se rendre au bain et pour en revenir, il faut s'envelopper d'un peignoir. Les bains de soleil sur le sable, les courses ou les jeux sur la plage, et en costume de bain, doivent être absolument prohibés."

Fin XX^ème, début XXI^ème siècle. Probablement liée au réchauffement du climat, nous assistons à une striction notoire du costume de bain, lequel redevient presque minimal.

Il paraît difficile d'établir une relation linéaire entre les données climatiques et l'aire couverte par le costume de bain. Il s'agit là d'une équation aux variables multiples sur laquelle des mathématiciens chevronnés se sont cassés les dents.

Le gouvernement, à travers la sagesse de ses lois et en y introduisant ses propres paramètres, n'a pourtant pas déçu l'attente de ses assujettis en leur procurant une des solutions de cette équation. Il impose et rend obligatoire, dans les lieux publics, le port d'un article textile dont l'aire et la disposition varient avec le lieu et l'interprétation locale de la loi. Ceci sans référence aucune à l'utilité éventuelle du port du dit article. L'article objet de la loi n'étant point fourni par le gouvernement, il s'agit donc bien d'un impôt indirect. Par ailleurs, le défaut du port de l'article objet de la loi dans un lieu public pourrait conduire à la mise à l'ombre du contrevenant. Ceci montre bien le souci constant qu'a le gouvernement de protéger du soleil le sexe de ses assujettis.

"Vérité en deça des périnées, erreur au-delà" (Pascal, pensées).

-- rleb, Sept. 2005

On constate que, tel le climat de notre planète, la superficie de l'article textile que nous appelons costume de bain est sujet, lui aussi à de grandes fluctuations. Ainsi l'été 2016 a vu l'apparition, sur les plages de nos vacances, de nouveaux costumes de bain aux superficies bien plus importantes que ce qui était jusque là pratique courante. Comme on pouvait s'y attendre des élus locaux ont immédiatement réagit afin de réglementer, voire interdire, cette nouveauté vestimentaire. Des amendes sont même venues, dans certains cas, aggraver la taxe textile traditionnelle.

Par là même, alors que nageurs et baigneurs se couvraient de textile, ces élus se couvraient de ridicule. Ce non-événement a permis de remplir durant plusieurs semaines le vide sidéral qu'auraient pu connaître les les journaux de l'été, refoulant dans un oubli douillet les vrais problèmes des citoyens.

-- rleb, Sept. 2016