Douce France

«Douce France, cher pays de mon enfance...»
--Charles Trenet

Le 8 Mai 1945 marque la capitulation de l'Allemagne et la fin du régime nazi instauré par Adolf Hitler. Dans toute l'Europe enfin libérée de la tyrannie on fête cet évènement. A l'extérieur de l'Europe également. Les pays soumis à l'oppression coloniale et dont les forces vives ont largement participé à la reconquête de notre indépendance espèrent bien voir appliquer chez eux les principes démocratiques définis au cours de diverses rencontres au sommet qui eurent lieu entre les futurs vainqueurs. Il était établi que les peuples pourraient disposer d'eux-mêmes et décider de leur propre destin.

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Les Algériens ont eu le tort d'y croire et, ce 8 Mai 1945, profitant de la liesse générale ils manifestent en masse à Sétif, ville de Petite Kabylie. Allant même jusqu'à demander la libération de leur leader national Messali Hadj, alors maintenu en résidence surveillée par l'occupant. Les colons et les autorités coloniales, peu habitués à de tels débordements s'énervent, la manisfestation dégénère et tourne à l'émeute faisant une centaine de victimes parmi les européens.

C'est alors que la douce France commence à montrer toute la douceur dont elle est capable. La riposte dépasse l'imaginable en ignominie et en férocité. Comme les chrétiens persécutés sous les empereurs romains devinrent du jour au lendemain persécuteurs sous Constantin, la France à peine libérée de la persécution nazie se transforme à son tour en persécuteur. Le gouvernement provisoire alors présidé par Charles De Gaulle, lance une répression barbare et sanguinaire. Ainsi pendant que l'on fête la victoire sur la barbarie nazie, une autre barbarie déclenchée cette fois par celui qui en avait été victime se met en mouvement. Durant deux semaines l'armée, la marine et l'aviation, pillonnent, écrasent, fusillent sans relâche ni discrimination. La sommet de l'horreur est atteint avec l'arrivée des auto-mitrailleuses qui fauchent des familles entières comme champs de blé au soleil. Les populations de Petite Kabylie et du nord constantinois ne doivent qu'à une fuite vers les montagnes de ne pas se voir entièrement annéanties. Jugeant sans doute ce carnage insuffisant, les autorités d'occupation procèdent encore à l'arrestation de milliers de survivants dont plusieurs centaines sont condamnés à mort, pour l'exemple, après un simulacre de procès. Ces "incidents", terme par lequel on désigna cette opération de "pacification" pendant les années qui suivirent, fit environ quarante cinq mille morts algériens. Ce massacre et la colère qui en résulta furent probablement les facteurs décisifs du lancement quelques années plus tard de la guerre de libération, laquelle fut véritablement féroce et devait durer sept ans, nos gouvernements successifs, tels des girouettes rouillées sur leur pivot, n'ayant toujours pas senti le sens du vent de l'histoire.

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Soixante ans plus tard, après bien des tribulations, l'Algérie entretient des relations diplomatiques avec ses anciens bourreaux. Notre ambassadeur à Alger, à la demande de son gouvernement, vient d'aller "faire le pitre" à Sétif, sur les lieux mêmes du crime. Il a même prononcé des paroles étonnantes et tenu un langage nouveau. Les fameux "incidents" étaient bien un massacre. C'est un peu facile et à coup sûr dénué de conséquences : les coupables sont morts, donc pas de risque de procès, les ayant droit sont morts, donc pas d'indemnités. Le commerce pur et dur va pouvoir reprendre ses droits, paix aux cendres des victimes et à celles de leurs bourreaux.

Tout ceci n'est bien sûr que gesticulation, une de plus. Le mépris persiste et le sens de la mesure continue à faire défaut. En voulez-vous preuve ? Feuilletez simplement un ouvrage très populaire qui sert parfois de référence, le Petit Larousse Illustré. Dans l'édition 2005 vous pouvez lire...

- en page 1612 :
ORADOUR SUR GLANE (87520), comm. de la Haute-Vienne; 2060 hab. Massacre de tous ses habitants (642 personnes) par les SS, le 10 Juin 1944. Mémorial.

- en page 1725 :
SETIF v. de l'est de l'Algérie, ch.-l. de wilaya ; 239 195 hab.

Un silence éloquent qui se passe de tout commentaire. Pour les crânes d'oeuf qui pensent pour nous, 45 000 morts c'est bien peu de choses quand cela se passe de l'autre côté de la Méditerranée. Le massacre de Sétif et du nord constantinois reste donc bien, pour eux, un incident mineur, un simple évènement fâcheux, un peu comme une crevaison sur le parcours du Tour de France. Et pourtant, bien qu'il soit toujours difficile de donner une mesure à l'horreur, imaginez le drame d'Oradour et multipliez par 70 !

Encore une preuve ? Voici ce que nous lisons dans Le Dauphiné Libéré, Jeudi 14 Avril 2005

Polémique sur le rôle de la colonisation.
Des historiens et des associations de défense des droits de l'homme protestent contre la loi du 23 Février 2005, en faveur des rapatriés, qui demande notamment que les programmes scolaires "reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer". Signataire d'une pétition lancée en Mars, l'historien Gérard Noiriel a affirmé hier qu'il ne pouvait accepter que "les pouvoirs publics dictent aux enseignants le contenu de leurs cours".

Ainsi, le gouvernement actuel, non seulement persiste à considérer comme positif le résultat de la colonisation, mais prétend aussi dicter l'histoire aux enseignants.

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Vous voulez en savoir plus ? Ne pas mourrir idiot ? Découvrir quels crimes ont été commis en votre nom ? Entrez dans votre moteur de recherche préféré les mots clés :

setif 1945 massacre

Vous avez aimé Auschwitz, vous adorerez Sétif. Vous apprendrez par exemple qu'à défaut de four crématoire disponible sur place, on utilisait le four à chaux d'Héliopolis, près de Guelma, pour éliminer les cadavres.

-- Robert L.E. Billon, Mars 2005

Sur le web :

jacques.morel
ldh-toulon.net

Bibliographie :

SETIF 1945 - Chronique d'un massacre annoncé, Jean-Louis Planche, Docteur en histoire, ancien prfesseur des universités. Librairie Académique Perrin. ISBN: 978-2-262-03438-2



«Ma patrie est partout où rayonne la France,
où son génie éclate aux regards éblouis.»

--Alphonse de Lamartine

    
File: doucef.html, 2007-05-26 - Robert L.E. Billon - Last update: 2012-03-11