Trogloditisme intermittent
L'homo gregalis (1) intrigue les anthropologues depuis des décennies, tant les individus de cette espèce ont un comportement étonnant et bizarre, une véritable énigme pout la science. Comment une espèce ayant un comportement aussi aberrant a-t-elle put se développer, évoluer et persister ?
On les voit ici émerger de la terre, le matin, par un trou, puis se diriger d'un pas rapide vers des blocs de béton environnants creusés d'alvéoles. Dans la journée, on ne les appercevra guère. Le soir venu ils disparaissent à nouveau dans le sol par le trou d'où ils sont sortis le matin. (2)
(1) gregalis, du latin : qui vit en troupeau
(2) Les habitués du parvis de La Défense se seront reconnus
Note : L'Ethologie est l'étude scientifique du comportement
des animaux dans leur milieu naturel.
Migrations saisonnières
A certaines périodes de l'année ils s'élancent sur les routes, dans une machine munie de roues, tous en même temps, le même jour et si possible à la même heure, dans une immense migration saisonnière. L'encombrement qui en résulte réduit bien vite leur élan à une morne procession. Vu d'une certaine distance, leur mouvement évoque, en effet, le déplacement des chenilles processionnaires. Leur but et leur destination sont tout aussi imprévisibles qu'incompréhensibles. Sont-ils attirés par des régions à la nourriture plus abondante, par des lieux plus propices pour la reproduction, ceci reste un mystère.
Recherche du froid en hiver
En hiver ils se dirigent plutôt vers les montagnes, lesquelles en cette saison sont fréquemment couvertes de neige, donc particulièrement inhospitalières pour des êtres vivants passant le reste de l'année à des altitudes plus tempérées. Là, munis de sortes de prothèses, ils se laissent glisser sur la neige dans des pentes vertigineuses et à de grandes vitesses où ils se fracturent habituellement les membres. Une étude comparative a montré que ces fractures de membres sont bien plus férquentes chez homo gregalis que chez les fourmis, ceci semble indiquer que leurs membres sont beaucoup plus fragiles (ou alors que les fourmis ne se laissent pas glisser à grande vitesse sur la neige ?). Quand ils ne glissent pas, ils se pavanent dans les bars, arborant des vêtements aux couleurs chatoyantes, comme le plummage de certains oiseaux lorsque le printemps venu ils font la cour afin d'assurer leur reproduction. Puis brusquement, au bout d'une, deux, voire trois semaines de cet enfer, ils reprennent la route en direction de leur tanière, tous le même jour... et si possible à la même heure. Ceux qui sont atteints de fracturent multiples effectuent le retour en ambulance.
Recherche de la chaleur en été
En été ils se dirigent vers les côtes océaniques. Arrivés là, ils s'agglutinent de préférence où il y a du sable, se dénudent partiellement des oripaux dont ils couvrent habituellement leur corps le reste l'année. Ils n'hésitent pas à se plonger dans une eau douteuse, préférant la proximité des égoûts des villes ou des rejets des usines. Le reste du temps, sans recouvrir leur corps, ils restent exposés longuement aux dangereux rayons ultra-violets du soleil. Après une, deux, voire trois semaines de ce comportement inexplicable et dangereux, ils regagnent leur tanière, comme décrit ci-dessus. Enfin... ceux qui n'auront pas péri par noyade ou insolation. Les morts sur la route ne sont pas rares non plus car vu l'encombrement, les chocs bruteaux sont fréquents. Quant aux individus qui auront survécu, ils décèderont plus tard des suites d'un cancer de la peau.
Campagnes d'autodestruction
Episodiquement, en diverses régions, ils se livrent à une compétition par équipe dont personne jusqu'ici n'a pu comprendre le but car les deux équipes en sortent amoindries, voire quelquefois mutuellement annéanties. Les règles de ce jeu sont pourtant très simples, celui qui a fait le plus de morts dans l'équipe adverse est déclaré vainqueur. Une période de calme fait suite à cette activité désordonnée, ceci, jusqu'à ce que le titre du vainqueur soit remis en cause, alors le jeu recommence pour une nouvelle partie. Ce jeu s'appelle "la guerre" et il semble remonter à la plus haute antiquité.
L'habitat de l'homo gregalis
L'homo gregalis est aussi divers dans son habitat que dans ses comportements. Souvent, en milieu dit urbain, il habite des ensembles constitués d'un grand nombre de cellules. Ces groupements de cellules, à un facteur d'échelle près, rappellent ceux de l'abeille apis mellifera, cependant ces cellules, en béton, sont habituellement parallélipipédiques alors que celles de l'abeille, en cire, sont de section hexagonale.
Parfois, comme ici aux Philipines, il s'agit simplement de cases contigües construites en matériaux les plus divers. Ces constructions sont installées de préférence en bordure de fleuves de déchêts. Ces déchêts proviennent de sites comparables situés en amont. Ce fleuve grossi jusqu'à l'océan, où entraîné par les courants, il va former une île au milieu du Pacifique.
On voit aussi parfois des habitats très sommaires et plus dispersés, comme ici, dans le nord de la France, près de Calais.
- citation -(*)
[...]cabanes où l'on peut parfois deviner la culture des clandestins et réfugiés qui les ont échaffaudées : couvertures chamarées, bâches de couleur pour les unes, paille et matériaux naturels pour certaines, simples toits à la manière des tentes du désert pour d'autres.
(*) Extrait, ainsi que l'image de cabane, de la présentation, dans Le Monde Diplomatique de mars 2010, du livre de Jean Revillard, Jungles. Abris de fortune aux abords de la Manche, Labor et Fides, Genève 2009
Servitude volontaire
Privé de terre cultivable et de prairie à pâturage par la classe dominante, l'homo gregalis n'est plus en mesure de produire ce qui lui est nécessaire et il en est réduit à solliciter une position d'esclave dans des établissements appelés "usine" ou bien "bureau". Certains de ces établissements accueillent des milliers d'esclaves. Là, en échange de sa force de travail, on lui accorde quelques miettes, de quoi le maintenir en vie et lui permettre de revenir le lendemain et aussi d'acheter les produits de l'usine qu'il portera un peu plus tard, du moins pour ceux qui ne sont pas commestibles, dans un endroit qui leur est dédié et qu'on appelle "décharge publique". En effet si une usine n'avait pas ses esclaves pour acheter ce qu'elle produit, elle n'aurait plus beaucoup de raisons d'être.
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